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Le pouvoir de la vapeur

Évidemment, quand on évoque la machine à vapeur, tout le monde a en tête, des noms comme Papin, Leibniz, Savery, Hooke, Watt. Mais en fait, dans l’idée c’était bien avant ! Remontons jusqu’à la Grèce antique : une civilisation bouillonnante à tous points de vue.

Les sciences et la méthode scientifique ont bel et bien posé leurs premières pierres à cette époque, et ce dans de multiples domaines : les mathématiques, la géométrie (est-il besoin de citer Thalès, et Pythagore – VIe et Ve siècle av. JC ou encore Euclide au IIIe s av. JC), la médecine (avec Hippocrate au Ve s. av. JC), l’astronomie (avec Ératosthène, qui le premier a mesuré la circonférence de la terre au IIIe siècle av. JC), la physique (avec Démocrite qui le premier, au IVe s. av. JC, a décrit la matière comme composée d’atomes ou Archimède au 3e s. av. JC avec son célèbre principe), la mécanique.

C’est véritablement hallucinant de voir que des concepts très élaborés avaient vu le jour plusieurs siècles avant notre ère et n’ont réellement été redécouverts, validés ou mis en pratique que quelque mille cinq cent années plus tard. Il est une machine que je trouve véritablement avant-gardiste (et le mot est faible) tant elle cristallise à elle-même des principes dont des applications actuelles sont grandioses (tels que les turbo-réacteurs d’avion) : il s’agit de l’éolipyle (étymologiquement la « boule d’Eole ») Voici la machine en question


Son fonctionnement L’engin est constitué d’une espèce de marmite remplie d’eau chauffée par le dessous. De cette première enceinte, sortent deux conduites qui supportent une boule qui peut tourner autour de son axe. Bref, lorsque l’eau chauffée atteint son point d’ébullition (on dit aussi la température de saturation), la vapeur se forme et envahit progressivement l’espace libre dont elle peut disposer. Elle remonte donc par les deux conduites et atteint la boule supérieure. Là encore, manquant de place, la vapeur finit par s’échapper tangentiellement de part et d’autre de la sphère ce qui met cette dernière en mouvement de rotation. La sphère commence alors à accélérer jusqu’à ce que les frottements et les forces de traînée aérodynamique lui imposent une vitesse de rotation constante. Il s’agit ni plus ni moins d’une machine à vapeur basique (une turbine à vapeur), la première qui ait vu le jour, il y a plus de 2000 ans. Ci-dessous, une reconstitution de la machine et son fonctionnement.


Son concepteur

Son concepteur est Héron, d’Alexandrie (Alexandrie, ville d’Egypte, qui fut pendant l’Antiquité un important centre intellectuel, lieu de vie de tous les savants Grecs). En ce qui concerne ce physicien, il semble que les historiens aient longtemps été divisés quant à l’époque pendant laquelle il vécut : apparemment ce serait au Ie Siècle après JC . Il s’est intéressé à de nombreux domaines dont la mécanique (machines et automates), les maths et l’optique. Citons comme autres machines l’horloge à eau, la fontaine qui porte son nom (un article consacré ici sur Kidiscience), un automatisme pour ouvrir les portes du temple, servir le vin ou le théâtre roulant.

Les principes qu’elle illustre On retrouve tout d’abord le principe de l’équivalence entre chaleur et travail ou encore que l’énergie se conserve, ce qui n’est rien d’autre que le premier principe de la thermodynamique. L’énergie chimique présente dans le combustible (stockée dans les liaisons) est transformée (via la combustion sous la marmite) en chaleur. Puis cette chaleur, est transférée à l’eau (le fluide caloporteur) qui accumule de l’énergie (on parle alors d’enthalpie), transformée alors en mouvement de la boule (c’est-à-dire en travail mécanique) par un effet de réaction.


La deuxième notion mise en lumière par cette machine est la IIIe loi de Newton (qui ne sera énoncée qu’en 1687) énonçant qu’à chaque action correspond une force opposée appelée réaction. En effet, si la boule se met en mouvement c’est parce que la vapeur en s’échappant des deux conduites, conduit à l’apparition d’une force de réaction qui pousse la sphère à tourner dans le sens opposé.

Évidemment, il n’y a pas de valeur ajoutée à ce travail : la boule se meut pour le fun, et à l’époque, l’éolipyle était une machine qui ne servait qu’à amuser la foule (c’est déjà pas mal) ! L’ami Héron n’avait pas à sa disposition les matériaux, les combustibles, les petits détails technologiques pour déclencher la révolution industrielle. Mais peu importe, les idées directrices et les principes de la machine à vapeur (toutes les centrales thermiques et nucléaires de production électrique reposent sur ce principe) et des turbo-réacteurs d’avion étaient déjà élaborés.


La mise en pratique de ces principes

Ce n’est que bien plus tard que des ingénieurs, inventeurs ne redécouvrent la puissance motrice de la vapeur. Citons Blasco de Garay, navigateur espagnol, qui d’après des archives aurait expérimenté un navire propulsé à la vapeur en 1543. Puis un grand scientifique turc, Taqi al-Din, décrit dans un ouvrage, en 1577, le principe de fonctionnement d’une machine à vapeur rudimentaire. Mais c’est surtout au XVIIe et XIIIe siècle, que dans une motivation commune, de nombreux inventeurs mettent véritablement au point les détails de la machine à vapeur (Savery, Guericke, Papin, Wexcomen, Watt). Chacun apporte une modification, améliorant la machine de son prédécesseur. L’idée directrice n’est pas loin de notre mécanicien Grec Héron : la vapeur produite dans une chaudière pousse un piston, lequel transmet son mouvement à un levier puis soit à une pompe (extraction d’eau dans les mines) soit à une roue.

La propulsion par réaction au mouvement du fluide

Encore plus proche du fonctionnement de l’éolipyle (c’est-à-dire sans utilisation du piston), lorsque seule la force de réaction induit le mouvement, n’oublions pas le célèbre Newton. En 1680, il construisit un modèle d’automobile dont le système de propulsion était un moteur à réaction. Il imagina que l’expulsion de la vapeur par un tube d’échappement produirait une réaction suffisante pour faire avancer le véhicule. Vers 1750, Johann Segner, un mathématicien autrichien, ressort des cartons les principes de l’éolipyle et s’en inspire pour mettre au point un prototype de la turbine hydraulique. Le mouvement de rotation n’est plus déclenché par la réaction à la vapeur, mais simplement à l’eau. Et c’est sur ce principe, que repose les systèmes d’arrosage automatique.

Il faudra attendre le XIXe siècle pour que la première turbine à vapeur (version moderne) soit « réinventée » par un Britannique (Sir Charles Parsons) en 1884. Il mit directement en pratique son invention, en la couplant à un générateur électrique. Elle fut aussi utilisée pour propulser un navire le Yacht « Turbinia » (en 1897). Bref, ses travaux ont révolutionné l’ingénierie navale et électrique.


La propulsion des avions En y regardant de plus près, les turbo-réacteurs des avions ne sont qu’un version améliorée de l’éolipyle. L’air est aspiré en amont du compresseur, mis sous pression, mélangé avec le combustible pour déclencher la combustion dans la partie centrale de la machine (chambre de combustion) : la forte température et chaleur des gaz de combustion (donc une forte énergie) est transformée en travail moteur au niveau des ailettes de la turbine à gaz. Une partie est extraite pour entraîner le compresseur. C’est la détente des gaz dans cette dernière partie, qui conduit par réaction, à la propulsion de l’avion. Cette application pratique n’a vu le jour que très récemment finalement (Von Ohain, inventeur allemand, fait voler le premier turboréacteur en 1939 avec l’avion Heinkel He 178).


Bref, les Grecs qui furent plus philosophes que chercheurs, avaient inexorablement de grandes idées…et leurs découvertes scientifiques, dans tant de domaines, remettant en cause les dogmes religieux, forcent l’admiration !


Article d'origine publié ici sur le blog Le Monde et Nous


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